Salut Tintin; ah en voilà de bonnes questions……
Beaucoup de questions; toutes les bonnes questions!
Je regrette mais il se peut que ma réponse puisse avoir l'air assommante; innévitablement vu la quantité de points à aborder.
J'ai dû répéter ces notions des centaines de fois, je m'excuses d'avance auprès de ceux qui les ont déjà lues, mais comme je me vois dans tes mots lâ où j'en étais moi même il y a encore quelques années, donc il me semble urgent et utile d'attraper la perche, si ça peut ouvrir à sensibiliser d'avantage de gens.
Comparer un instrument qui vaut dix fois moins...pas avec le dos de la cuiller alors; allons y!
Mais comme il le dit; la différence n'est effectivement pas si flagrante; ça peut amener à réfléchir sur la qualité d'une certaine marque...face à un instrument vraiment très très particulier...
Mais je ne suis pas sûr que le vidéaste démonstrateur se pose les bonnes; aussi animé de bonnes intentions qu'il soit.
C'est terrible à dire mais très souvent quand on entend quelqu'un nommer ce type d'instrument "un "Dobro"; ça annonce clairement qu'il est déjà dans des marges très floues de connaissance.
Si on veut aider quelqu'un à se faire une opinion utile; on commence par étudier son sujet, et ensuite on essaie d'être précis…car sinon c'est juste participer à l'enfumage collectif que pratiquent certains gens qui fabriquent ou vendent, ou parfois les deux (hors du domaine de l'artisanat d'art bien sûr)
Et au risque de passer pour un snob; je t'avoue que quand j'entends quelqu'un parler de guitares à résonateur en les réduisant au seul terme "Dobro", j'allume tout de suite les voyants d'alerte au grand n'importe quoi!
Ca ouvre en grand ma méfiance sur la véracité de ce qu'on va me raconter ensuite.
"Dobro" est une marque qui est majoritairement connue et représentée le plus souvent par un instrument à caisse en bois, et résonateur inversé de type "Spider", absolument éloigné des instruments concernés ici…pour les connaisseurs; quand je parle de Vélosolex" je ne parle pas d'une "Mobylette"...
Donc soyons précis ce comparatif concerne deux marques "Johnson" et "National Reso-phonic" (à ne pas confondre avec "National", bien que l'ambiguïté soit volontairement entretenue...les instruments NRP sont structurellement très différents de ceux produits par la marque "National" autrefois!!! la nature des matériaux, les techniques d'assemblage, les réglages, tout diffère y compris proportions et dessin!).
(Ce qui conduit des gens à appliquer les facteurs de réglages des NRP modernes aux anciennes National avec des conséquences désatreuses...c'est ce qui me motive à en parler, à sensibiliser autant de gens que possible pour qu'on arête le massacre).
(On dirait que les comparatifs bidons sont à la mode en ce moment; Justement il y a peu j'ai détecté un comparatif tout aussi bidon entre deux instruments de la même marque "Gretsch", aucune objectivité, sans doute simplement motivé par l'opportunité de validation sociale via les commentaires, et un petit penchant au nombrilisme qui motive tellement de gens à s'autofilmer et se construire une super identité super sympathique via les réseaux sociaux…
).
Allons y pour l'objectivité:
On ne sait pas si les instruments ont étés trafiqués...un simple sillet mal taillé peut dénaturer le son d'un résonateur; toujours garder ça en tète!
La "Jonhson" a été certainement été modifiée: pour poser un micro il faut ouvrir l'instrument et donc potentiellement modifier les paramètres d'origine; les gens techniquement capables de faire ça correctement sont rares….contrairement à leur apparence mécanique rustre, ces instruments peuvent être bien plus fragiles que des instruments habituels, un simple nettoyage, ou un changement de cordes n'étant pas fait dans les règles peut fausser beaucoup de paramètres...Ok je suis parano?
Quand je vois quelqu'un monter sa corde de sol de façon aussi peu conventionnelle, je sais qu'il est potentiellement capable de n'importe quoi!
Pourquoi monte t'il des sol filés nickel alors que ses instruments semblent montés en phosphore bronze?....sur la NRP les cordes sont sales et ternes, pas le meilleur moment pour se forger un point de vue non plus…………….sur un résonateur l'état des cordes joue un rôle plus important que sur un instrument habituel.
D'autre part ce modèle de Johnson est l'un des tout premiers mis sur le marché il y a environ 25 ans, ce sont des sortes de prototypes au dessin de caisse si aberrant qu'il a été abandonné ensuite pour redessiner la caisse de façon plus cohérente.
Ces instruments sont montés avec un cône lui aussi totalement bizarre, lisse, à sommet plat, et particulièrement épais (pesant dans les 40 grammes, alors que les cônes NRP actuels pèsent entre 25 et 27 grammes, ça donne un point de comparaison édifiant!).
Je croyais que ces cônes avaient étés abandonnés, écoulés seulement dans les mandolines, mais le sujet "Gretsch" ouvert il y a peu démontre que ces gamelles sont encore diffusées…).
25 ans c'est l'âge de la retraite pour les résonateurs, car comme le gars le montre honnêtement, sa guitare est tordue: l'alignement de la caisse et du manche est mis en cause par la traction des cordes au fil du temps.
Plus l'action monte, plus on va limer le sillet de chevalet pour redescendre auprès du manche, mais vient un moment ou les cordes vont aller vers le cordier sans plus avoir le moindre angle de pression sur le cône, le son va devenir anémié, les cordes vont sauter hors de leur logement, donc pour éviter ce problème on va les enfoncer dans le sillet; ceci participe à étouffer le son….
Un "Neck-reset" serait à envisager mais ceci dépasserait la valeur de l'instrument.
Donc cette johnson est bonne à accrocher au mur….
On y voit plus clair, mais je suis très surpris que la NATIONAL RESO-PHONIC soit plus lourde, la dernière fois que j'ai vu une johnson de ce type, elle pesait une enclume, l'une des plus lourdes que j'ai vu; mais sans doute que comme aujourd'hui, il y a toujours eu des variantes dans les poids et épaisseurs pour le même modèle et la même marque, les ateliers sont alimentés au gré des matériaux disponibles sur le marché au moment de la production?...tout est possible.
Par contre NRP a eu tendance à affiner ses instruments, mais il est possible que cette marque soit désormais dans une logique productiviste agressive, le fondateur ayant disparu, les gens en charge de la continuité n'ont sans doute pas les mèmes notions de qualité, ni sa culture (d'après les échos de gens ayant eu maille à pâtir avec cette entreprise qui ne donne pas le reflet de ce qu'elle a été un temps).
(Je ne suis plus l'évolution de cette marque mais les détails de logo, cache truss-rod forme de tète peuvent permettre de juger si elle est récente ou ancienne).
Tant qu'on est dans les notions de poids et d'épaisseur, il me semble trèèèèès important de dissocier les deux mots:
PUISSANT et MEILLEUR
Pour moi les deux sont quasiment opposés!
Mais c'est normal; pour 99,9% des gens plus "puissant" veut dire "meilleur", c'est tout l'argumentaire commercial de ce qui inonde le marché….
Les National (ANCIENNES) sont connues pour être moins "puissantes" que les copies actuelles, même chinoises et économiques: la plupart des anciennes n'ont plus leurs réglages d'origine (revoir le principe de l'action alignement et sillet de chevalet expliqué plus haut), ont 80 ans et plus de flexions sur quelques dixièmes de millimètres d'aluminium...alors que la gamelle la plus économique sera montée avec un angle exagéré et un cône épais apte à canarder un son beaucoup plus violent.
On parle de la différence entre le bruit et la musique je crois….
Le son des National anciennes est en revanche beaucoup plus riche, complexe et musical qu'aucune copie ne le sera jamais car la nature même des matériaux utilisés est aujourd'hui très différente, le mode de production de l'acier, du laiton, et de l'aluminium est très différent de ce qu'il était à cette époque, on ne pourra plus jamais refaire une "National"; ça n'existera plus; heureusement des luthiers magnifiques arrivent à pousser dans de nouvelles directions pour exploiter au mieux les matériaux actuels, il y a de l'espoir quand même.
Mais il faut regarder les anciennes comme quelque chose d'absolument unique, incroyablement délicat et précieux; pas juste de la ferraille assemblée au tournevis.
Effectivement les copies actuelles sont plus épaisses, car le métal plus épais est plus facilement disponible, plus facile à travailler, sans doute moins coùteux, et au bout du compte l'instrument paraitra plus puissant………...donc "meilleur".
Le public n'a jamais eu l'occasion d'entendre un bel instrument, en bon état, bien réglé, et correctement joué!
C'est la triple malédiction de ces instruments...
C'est une discussion avec un luthier qui m'a fait réaliser que ce son si dur, cette lourdeur commune à la plupart des copies est devenue une sorte de norme dans l'esprit des musiciens, et du coup toute une technique, une façon de jouer très brutale, violente, parait être indispensable dès la première approche.
Y compris quand on essaie un instrument superbe sur un salon de lutherie!
A tel point que les luthiers sont obligés de freiner ou stopper l'essayeur, ou d'interdire les onglets…..c'est juste inquiétant…mais normal quand on a jamais eu la chance d'approcher un instrument fin.
Alors qu'au contraire, un bel instrument est celui qui réagira sans avoir besoin d'être brutalisé, un véritable essai serait d'aller tester d'abord les capacités de restitutions de choses fines, il me semble.
Je connais des instruments économiques qui ont tellement de puissance, de volume, que ça donne mal à la tète au bout de quelques minutes de jeu; même sans forcer….mais curieusement les fréquences agréables sont absentes.
On peut parler de l'épaisseur des cônes, de la nature du métal…
Mais il me semble que c'est avant tout autour de l'assemblage que se joue des facteurs énormes.
J'ai pu corriger plusieurs instruments avec des résultats étonnants, simplement en agissant sur le calage entre la table et le stick, cette zone difficile à ajuster à la fabrication est souvent calée au petit bonheur, la définition du son est souvent laissée au hasard vu que de toute façon la "puissance" sera évidente...voilà sans doute pourquoi les avis sont souvent si tranchés entre ceux qui ont changé leurs résonateurs sur des instruments basiques…
Si l'instrument est mal monté, ce qui est le plus habituel, alors ça ne servira à rien ou pas grand chose.
D'autre part le système single-cône (de type National ou "biscuit" est toujours super efficace, tant il est proche de son ancêtre le Banjo; le volume sera toujours efficace, mais en revanche sur le système tricone, c'est encore plus difficile d'obtenir un montage correct, un son intéressant; les tricones sont moins disponibles sur le marché car le single-cône sera toujours plus convaincant, et moins cher à produire...les tricones économiques ont quasiment un son de single-cône...….mais qui peut avoir une idée objective de la façon dont sonne un vrai bon tricone?????
Vendu!
Adjugé!!!
Affaire conclue….
Tu as absolument raison, la nature du corps, et sa finition influe sur le son; c'est toujours le cas.
Mais fais attention car il me semble que tu confonds la nature du métal et sa finition: les National anciennes étaient en Maillechort ou en Laiton, nickelé en surface, ou bien en acier peint….il y a eu quelques corps composites avec des éléments en acier, en cuivre, en laiton ou en maillechort parfois dans la composition d'un seul et même instrument.
Chez NRP ils appliquent parfois une finition nickelée sur de l'acier, (mais aucun instrument n'est construit en Nickel ou "mixé" avec du nickel).
Il n'y a que tes oreilles qui puissent te faire entendre la différence entre les différents métaux, et il me semble que si tu te poses ces questions c'est bien que tu es passionné donc je suis sûr que ton appétit de savoir va te motiver à écouter tous les musiciens possibles, à essayer un maximum d'instruments; c'est le seul moyen de se faire une culture et de se forger son oreille, avec le temps seulement en écoutant tu pourra deviner la nature du corps, et parfois même la marque de l'instrument!!!
Aucun discours d'aucun "spécialiste" ne pourra te donner ça!
Bonnes recherches à toi!
Ca peut remplir une vie; mais ça vaut le coup!
Courage à tous, profitez de cette parenthèse forcée pour réfléchir et creuser!