Bon Seb (ou n'importe qui d'autre qui serait intéressé), je m'y attaque! Voici donc la présentation des deux autres membres de ma famille National des années 20-30.
La première a dû mener une vie de bâton de chaise pendant un temps certain, et elle a subi quelques modifications (bien avant d'arriver chez moi) qui la rendront peut-être moins agréables aux yeux des puristes. Néanmoins j'y suis extrêmement attaché. C'est la première National à avoir passé ma porte, et elle est arrivée quelques jours avant une délicate intervention chirurgicale qui m'a contraint à une relativement longue convalescence, durant laquelle elle m'a tenu affectueusement compagnie.
Je l'ai obtenue par un échange avec un magasin de Dublin, Some Neck Guitars (drôle de nom mais des gens charmant, et compétents je crois). D'après le patron, elle venait de subir un refret et un neck reset. L'ajout du micro (avec un trou dans l'éclisse pour le jack, aie...), d'un attache-courroie dans le talon et le remplacement du cône étant des modifications plus anciennes. Je les crois volontiers, le cône étant un NRP des années 90, et la valeur de revente d'un Barcus Berry rendant plus que saugrenue l'idée de l'installer de manière permanente sur une guitare juste avant la revente, en dépréciant le prix de cette dernière.
Par contre, j'ignore qui est leur luthier, mais le neck reset a été impeccablement exécuté, me semble-t-il. Pas de jour à la jonction, et l'angle est parfait. Mike Lewis a examiné la guitare, et ne lui a pas trouvé de défaut structurel, excepté les modifications précitées.
J'ai pu très récemment lui trouver un cône de 1932, un des derniers "hand cut", et donc similaire à l'original porté disparu. Le son s'est amélioré par rapport au cône précédent (plus d'écho, de sustain, et surtout une dynamique accrue). Par contre la guitare a conservé un caractère sonore particulier, qui ne correspond pas vraiment à l'idée qu'on se fait d'une style O, j'en parlerai après.
Quant à son état général... c'est une guitare qui a bien vécu je pense, et peut-être même une période passionnée, comme semble en attester la gravure personnalisée à l'arrière de la tête, dont j'aime à penser qu'elle se réfère à la guitare elle-même. Le nickel a été pas mal attaqué par endroits, probablement par la sueur de celui qui en jouait, à en juger par la localisation de la zone la plus attaquée, l'éclisse côté aigu, à proximité de la jonction avec le manche. La finition est ternie dans l'ensemble, le dos ayant été quelque peu épargné.
Le manche, en revanche, est en très bon état. Je pense qu'une couche de vernis supplémentaire a dû y être appliquée dans le passé, mais cela a été bien réalisé, et le toucher est très agréable et naturel. En plus de la gravure déjà mentionnée, la tête porte les stigmates de 3 décalcomanies, les initiales JPH (je crois) en lettres gothiques, heureusement peu visibles.
C'est donc une variation 2, portant le numéro S1001. La table et les éclisses sont en acier, de même que le couvercle. Le dos et le cordier, je ne sais pas, à l'exclusion de l'acier... Lorsque j'ai remplacé le cône, j'ai regardé dans le fond de la caisse si je voyais des traces. Il y en a, effectivement, de couleur cuivrée très distincte. Mais comme il semble qu'un premier plaquage au cuivre pour permettre au nickel de mieux adhérer ait été une pratique courante, et que je n'ai pas envie de gratter pour aller voir plus loin, cela restera un mystère.
En ce qui concerne la sonorité, elle ne ressemble à aucune autre National que j'aie pu entendre. Elle a un son plus feutré et plus chaleureux qu'une Triolian, moins de basses que la plupart des Style O, et un son un peu nasal et terriblement mélancolique qui en fait une excellente guitare pour les accordages mineurs, et pour le slide en général. En picking, elle rappelle un peu trop le banjo, sauf quand elle est amplifiée. L'usage de cordes filées au nickel, nécessaire si on veut utiliser le micro, tend à renforcer ces caractéristiques.
Un mot sur le Barcus Berry... il est tout simplement excellent. J'en ai eu 5 autres par la suite, il m'en reste 2. Mais celui-ci les surpasse tous, probablement parce que son niveau de sortie est plus faible que la moyenne. Il respecte assez bien la sonorité de la guitare, tout en lui donnant du corps et de la profondeur, la rendant plus polyvalente aussi. Et surtout, il reste propre, contrairement aux autres. Tout au plus, quand on pousse l'ampli, on obtient une très légère saturation des basses, sans que rien ne devienne brouillon. Évidemment, il n'offre pas le rendu d'un microphone, mais sur cette guitare en particulier, je trouve qu'il ajoute quelque chose, en étendant sa palette sonore.
Il y a quelque temps, Dan Whitley m'a expliqué que Chris choisissait ses Barcus berry pour leur faible résistance, entre 3Kohms et 4Kohms. Je comprends pourquoi. Celui-ci fait 3,6Kohms. Tous les autres que j'ai eus étaient entre 4,5Kom et 5,5Kohms. La différence est flagrante.
Mon autre Style O, qui est aussi la dernière National arrivée, est esthétiquement à l'opposé de la première. Autant la 1930 est matte et son placage a souffert, autant cette 1934-35 (S 5837 ou 5887, difficile d'être sûr) brille et son placage est quasi impeccable. Elle a été restaurée par Steve Evans (Beltona), qui a ajouté un truss-rod dans le manche. Les mécaniques d'origines étant portées disparues avant la restauration, elles ont été remplacées par des repros Stewmac. En dehors de cela et d'un attache courroie, elle est d'origine. Le vendeur m'a laissé le choix entre le cône d'origine sans garantie de longévité, et un NRP neuf, le choix a été vite fait évidemment. Je n'ai pas ouvert le couvercle, mais au son, ce cône me semble parfaitement sain.
Le désir d'acquérir une Style O 14 frettes remonte encore une fois à mes visites à l'atelier de Mike. J'étais tombé amoureux du son de sa 1937-38, ainsi que du profil si particulier de son manche, un V très prononcé. Au final, il s'est avéré que dénicher une variation 7 dans un état correct et à un prix abordable relevait de la gageure... la faute à Mark Knopfler...
Mais au final, c'est une bonne chose. Le profil du manche n'est pas tout à fait pareil, mais c'est toujours un V bien marqué, et il est encore plus agréable pour moi que celui dont je me souvenais. Et le manche est encore en érable (flammé en plus), pas en tilleul. Vraiment, un manche de rêve pour moi, il me convient parfaitement.
Quant au son, c'est exactement celui qui m'avait fait craquer lorsque j'avais essayé celle de Mike, cette clarté dans les aigus, et cette chaleur des basses. Contrairement à ma première qui est assez atypique, celle-ci me semble l'incarnation parfaite du "son Style O". Ce qui me semble aussi confirmer une impression que j'avais déjà : je préfère les Triolian en 12 frettes, et les brass body en 14 (je base cette affirmation sur l'essai de plusieurs Style O et Triolians 12 et 14 frettes que j'ai pu jouer, ma Style O 12 frettes n'étant pas une brass body).