J'ai enfin eu l'occasion de découvrir le travail de "JMT" sur le salon de lutherie de Toulouse!
En passant, de retour d'un concert, j'ai pu profiter d'une heure avant la fermeture du salon, bien trop court pour vraiment faire le tour de sa gamme, (d'autant que l'organisation à fait l'erreur de le placer dans la section réservée aux guitares amplifiées).
Mais les quatre instruments que j'ai eu en main m'ont vraiment positivement surpris.
(Vu le peu de temps restant avant fermeture, je n'ai pas pu essayer l'ensemble des instruments présentés, déjà très impressionné par les nouvelles créations que je ne connaissais pas, et le nombre d'instruments disponibles).
Et à mon avis il est urgent d'en parler, car j'ai été vraiment très étonné du niveau déjà atteint par Jean-Marc.
Je veux dire en regard du fait qu'il est autodidacte, et qu'il est au début de son activité professionnelle, je n'ai pas trouvé les "erreurs de jeunesse" classiques que j'ai pu parfois ressentir chez d'autres autodidactes. (sans aucun mépris pour les luthiers débutants que j'admire sincèrement de choisir un métier aussi difficile et aussi noble!)
Simplement au niveau visuel, au niveau du soin apporté aux détails, aux réglages et aux sensations à la prise en main.
Pour les premières impressions qui sont souvent cruciales, je peux dire que personnellement, je préfère vraiment ce contact à celui d'autres marques (difficilement comparables, car le mode de production est fondamentalement différent, mais je vais citer NRP ou AMISTAR, simplement comme points de référence, pour ceux qui en ont déjà essayé).
Il n'y a pas de secret; quand tout est fait à la main, avec du temps; l'objet fini déclenche un tout autre contact.
C'est ce que je reprocherais aux autres marques, NRP laissant trop de place au travail des machines numériques, le contact en est plutôt froid...leur vernis est aussi connu pour être très spécial; chez AMISTAR, on peut aussi ressentir que la nécessité de produire vite et aussi peu cher que possible à laissé quelques points dans une zone de tolérance (tout à fait acceptable), mais chez JMT on a une impression de "haute-couture, d'une conscience poussée au delà des facteurs seulement temporels, ou des critères de rentabilité, forcément vu qu'on est chez un artisan, et non pas chez une firme à production plus massive.
Pour les impressions premières, ayant pourtant bien étudié les photos et vidéos disponibles, je me suis rendu compte que ces supports ne donnent pas du tout le reflet de ce qu'on ressent sur place. (C'est assez déconcertant d'ailleurs, mais il faut avouer que mon ordinateur est vraiment pourri...).
Pour être honnête, j'étais étonné par la forme très particulières des talons de ses manches, avec une impression préconçue inconsciemment d'un aspect massif, or ce n'est pas du tout le cas, car leur forme (plutôt dans l'esprit de ce que faisait Gibson à une époque), est pourtant très fine vue de profil.
Une fois en main c'est validé; de plus le poids des instruments étant tout à fait dans une fourchette correspondant aux poids des anciennes National (là aussi simplement cité en point de référence pour donner une idée à ceux qui connaissent), on n'a aucunement l'impression de lourdeur que peuvent donner d'autres fabrications.
Et dieu sait que je suis sensible à ce point, m' étant souvent abîmé physiquement à cause d'un instrument trop lourd de seulement 500 grammes...ce point est aussi très convaincant à mes yeux car ça induit que les matériaux utilisés sont au moins aussi fins que ceux utilisés par National autrefois.
(On a pu constater que la plupart des refabrications optent pour des tôles plus épaisses, plus faciles à mettre en œuvre, et également plus stables).
Bien sûr; quelqu'un n'étant pas familiarisé avec les résonateurs aura toujours cette impression de poids plus conséquent, c'est normal, mais quand on sait que certaines copies bas de gamme peuvent monter jusqu'à 4 kilos 800; on est largement dans un autre monde!
Ensuite pour les sonorités, j'ai tout de suite été frappé par la richesse et la profondeur des basses, (là encore, pour la plupart des autres marques on peut se rendre compte que le système des résonateurs ayant un lien de parenté avec les aspects physiques des Banjos; l'efficacité est toujours plus évidente sur les aiguës, par contre on trouve rarement des basses convaincantes).
Et un truc tout de suite évident c'est que la basse du mi grave à vide est ressentie physiquement, une sensation que seuls les meilleurs instruments que j'ai pu jouer m'ont offert.
Je parle plus particulièrement du modèle simple cône Brass:
http://jmtresonateur.com/2018/09/16/simple-cone-laiton-pan-coupe/
En s'attaquant à quelque-chose dans le registre du Rag-time, on a l'impression que toute une fanfare New-Orleans déboule derrière soi, avec la grosse caisse et le soubassophone qui pulsent !
(Ca n'est pas le cas sur tous les instruments de ce type! pour en avoir vu beaucoup).
Pour moi quand la plénitude des notes sur tout le manche est à ce point homogène, c'est vraiment parce-que l'instrument est parfaitement monté, et surtout parceque le résonateur est poussé à un degré de finesse qui permet cette réactivité dans tous les registres.
(Un résonateur plus épais pourra donnera une impression de volume, mais avec à peine plus de rigidité, on ne trouvera pas une telle richesse de dynamique dans certaines zones, pour m’être souvent amusé à monter successivement différents cônes dans le mème instrument...une observation qui me suffit personnellement).
Et pour avoir échangé sur ce point, je me rends compte que Jean-Marc a vraiment poussé ses recherches à un degré vraiment haut, voir mème extrème, sans se contenter d'un compromis suffisamment efficace; loin de toute facilité, il est allé chercher les limites pour mieux situer l'idéal!
Mème impression pour le simple cône acier:
http://jmtresonateur.com/2018/02/05/simple-cone-acier-pan-coupe/
Avec une impression générale plus chaleureuse encore, et un autre comportement harmonique, dans les résonances des notes slidées...trop brièvement essayée car les portes fermaient, mais suffisamment pour vraiment avoir envie de renouveler l'expérience dans de meilleures conditions!
Ces impressions sont à prendre en regard du fait que ces instruments sont "neufs", et ce facteur à toute son importance en matière d'instruments à résonateurs, car on sait qu'un instrument neuf ne délivrera pas encore la totalité de son potentiel, il y a toujours une période d'ouverture, ou de rodage avant que toutes les pièces se stabilisent ou s'accordent entre elles...et pourtant la richesse est déjà là.
J'ai également pu essayer le spectaculaire tricone, à corps hybride aluminium-bois;
http://jmtresonateur.com/2018/03/01/tricone-bois/
Vraiment interloqué par l'approche radicalement différente du modèle qu'on a tous dans un coin de la tète; les cônes étant disposés différemment, la forme du chevalet, et tout le design général étant complètement novateur et très loin de la version la plus "courante".
Et encore un fois quelle surprise; j'ai l'impression de retrouver des couleurs propres aux Dobros, mélangées à celles du Tricone...
Quelque chose de vraiment très particulier, de plus j'ai pu profiter de l'essai d'un autre en étant assis juste en face...et je donnerai cher pour entendre ce type d'instrument en version square-neck, dans les mains d'un musicien apte à aborder quelque chose dans le style le plus pertinent, où mème en Hawaïen...un autre instrument qui séduira sans doute les amoureux de Dobros, comme ceux des Tricones; vraiment a mi-chemin entre ces deux univers.
(comme on pourrait croire que j'ai pété un plomb; je tiens à glisser un petit détail qui démontre que j'ai tout de mème gardé les pieds sur terre; mais surtout que Jean-Marc est tout à fait conscient de l'importance de l'écoute des musiciens, et d'y trouver des occasions de placer la barre encore plus haut en améliorant son travail.
J'avais déjà eu une impression bizarre à l'écoute d'une démo de cet instrument, principalement sur le mi aigu...comme si l'attaque était un peu étouffée, la note se développant avec un léger retard, le sustain retombant un poil trop vite, à l'essai mème phénomène...et en observant certains points, j'ai identifié un petit détail qui pourrait certainement ouvrir d'avantage le potentiel de cet instrument; ce que Jean-Marc à tout de suite pris en compte abondant dans la mème idée; et il me tarde d'entendre la différence une fois ce point remanié).
Une de mes grandes attentes de cette rencontre était aussi de découvrir ses Ukulélés...c'est bien connu "plus c'est petit plus c'est mignon".
On ne se refait pas.
Mais aussi parce-que l'échelle réduite réduit aussi beaucoup les marges de tolérance, et pas mal de luthiers expérimentés en guitares ont plus de mal à s'attaquer à ce petit instrument, qui sous un air inoffensif ne fait pas de cadeaux sur la réalisation.
http://jmtresonateur.com/2017/06/03/430/
Là encore, si je me reporte à ce que je connais; la plupart des alternatives à résonateur sont réputées pour ètre un peu violentes.
Le ukulélé étant plutôt un instrument au son doux par définition, c'est lui qui ronronne aux côtés de la guitare hawaïenne, et peu de Wahinés iraient se prendre pour le guitar-héro de service en cherchant à couvrir tout le monde en pétaradant....et pourtant, les ukulélés à résonateurs ont généralement fâcheuse tendance à ètre trop tapageurs.
Métalliques, ferraillant...
Paradoxe: les onglets peuvent parraitre évidents, ou mème indispensables pour tout instrument à résonateur, car la nécessité d'une attaque précise a tout son sens quand au rendement sonore, mais aussi pour des raisons mécaniques et pour la durée de vie du résonateur surtout (ce type de jeu renforçant encore plus cette sonorité tapageuse); l'attaque aux doigts nus doit être bien maîtrisée pour ne pas abîmer l'instrument, mais elle donnera un son sans doute plus doux.
Les versions asiatiques étant basées sur le concept des "Beltona", beaucoup de leurs caractéristiques réapparaissent d'une marque à l'autre, j'ai pu entendre et jouer les NRP modernes (loins de me séduire), mais également quelques merveilles dans le très haut du panier (sans citer les marques, car je veux me tenir éloigné de toute idée de comparaison totalement inutile), simplement pour dire que je me suis forgé une idée de ce qui peut être attendu d'un très bon instrument.
A nouveau sur cet instrument original, très différent de ce qu'on connaît, la personnalité des guitares JMT réapparaît: la douceur et la rondeur!
(qui pour moi sont primordiales, car si l'instrument est capable de donner ces fréquences, alors le reste du spectre promet d’être sans aucun doute aussi riche quand on va attaquer plus directement, avec une intention plus brute).
L'amplitude de dynamiques selon le type d'attaque, aux doigts ou avec onglets, selon le point de la corde ou on attaque est très généreuse.
Cette impression là ne m'a pas paru si évidente dans les marques citées plus haut, mais seulement dans les plus beaux instruments; et on est d'évidence dans cette catégorie!
Voilà de mon point de vue, avec le recul que ça implique; je tenais simplement à partager, car pour moi c'est vraiment surprenant que le Buzz n'aie pas encore fait plus de bruit; mais je pense que c'est juste une question de temps.
Un autre facteur qui a toute son importance par rapport à la rencontre avec un luthier; ce n'est pas en une heure entre deux portes que j'ai pu forger mes impressions sur l’être humain, mais il y a plusieurs mois qu'on échange par mail ou téléphone, depuis que je suis tombé par hasard sur une de ses toutes premières réalisations, ce qui me donne aussi la chance d'observer les progrès flagrants depuis, et avec cette curiosité, cette ouverture d'esprit, cette écoute quand aux impressions aux attentes des musiciens.
Je ne peux que saluer la démarche éthique de Jean-Marc, dans le choix de ces matières premières, dans sa volonté de concevoir chaque pièce sans recourir à la facilité, dans son courage de choisir une ligne esthétique qui n'empiète pas sur l'approche des autres luthiers qui œuvrent déjà dans ce créneau. (ce qui resserre sans doute aussi ses chances de toucher son public; quelle preuve de respect !).
Il avance tranquillement, et mème humblement, sans mettre plus d'énergie dans les systèmes de communication.
Il s'accorde le temps de convaincre naturellement, pleinement conscient du chemin qui s'ouvre, vers de nouvelles idées, des améliorations qui vont découler de l'expérience.
Et vu le chemin déjà accompli, il me semble que le meilleur est quasiment déjà là; donc on ne peut qu’être confiant dans l'avenir.
Je n'ai aucun doute sur le fait que les instruments JMT vont bientôt faire partie des rares noms qui viennent à l'esprit, quand on parlera d'instruments aptes à servir et nourrir l'inspiration des musiciens qui savent apprécier ces instruments si emblématiques.
Et à qui voudra l'entendre; je n'ai aucun intérêt dans l'idée d'attirer l'attention sur le travail de Jean-Marc...j'en veux pour preuve que mon travail musical étant un peu coincé dans une forme de "reconstitution historique", je ne pourrais pas me permettre d’intégrer ses instruments si novateurs, dans un souci de cohérence historique.
D'autre part la forme mème de mon spectacle de rue, nécessitant d'infliger aux instruments de nombreux risques (manipulations rapides, variantes de températures extrêmes en plein air.......); j'ai trop de respect pour le travail des luthiers pour accepter l'idée d'en faire subir autant.
Mon gagne-pain repose sur plusieurs instruments de bas de gamme ou moyenne, remplaçables en cas de catastrophe; opter pour du haut de gamme serait un non-sens.
Peut-être que j'aurais la chance un jour de pouvoir réserver une place à un bel instrument chez moi, sans lui faire risquer les aléas de la route....mais ce n'est pas pour demain.
(Mais c'est bon de rêver, c'est mème un excellent moteur!)
(
Puis je ne vais pas vous faire pleurer non plus;... j'en ai quelques uns quand mème, mème si la plupart sont déglingués et attendent d’être restaurés...)
Donc ce témoignage repose simplement sur la sincérité, et l'admiration, de voir quelqu'un se lancer dans un tel défi, avec tellement de talent et d'inspiration, que ça donne envie de l'encourager un petit peu.
Je pense que pas mal de musiciens vont trouver chez lui de belles sources d'inspiration.